Nous sommes en 1965. Le GASFO (Groupement des Associations des Salles Familiales de l’Ouest), présidé par Mgr RIOPEL et dirigé par Jean BOUGOIN, programme alors 316 salles (dont 127 en 16mm) auxquelles il faut ajouter 76 lieux de « tournée » 16mm, dans six départements : Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Mayenne et Morbihan. Ces salles ont accueilli 5.300.000 spectateurs en 1964.
L’exploitation cinématographique française connaît, depuis la fin des années 50, une chute vertigineuse d’entrées. 138 millions de spectateurs ont été perdus en huit ans, entre 1957 et 1964, soit le tiers de la fréquentation. Par comparaison, les salles programmées par le GASFO (319 en 1957) n’ont perdu que 12% de leurs entrées sur la période correspondante.
Néanmoins, certaines salles, en situation de concurrence difficile, envisagent de fermer leurs portes. En mars 1965, la Société d’Exploitation Cinématographique de l’Ouest (SECO) est donc créée par les associations départementales réunies au sein du GASFO pour reprendre la gestion et l’exploitation de certaines d’entre elles, susceptibles d’être « sauvées ».
Première salle concernée, le GRADLON de Quimper, qui, refaite à neuf, rouvrira ses portes en octobre 1965 à l’enseigne du BRETAGNE. En 1966, la SECO reprend l’exploitation du CELTIC de Saint-Nazaire, et, en 1968, c’est au tour de la GARENNE de Vannes.
Janvier 1968, la SECO est devenue la SARL SOREDIC. La société ouvre un service de distribution physique des films, reprend l’activité et le personnel de la CALCO (une coopérative d’achat de matériel et de confiserie, en charge également de la vérification des copies 16mm). En avril, SOREDIC reprend également la programmation en lieu et place du GASFO et intègre son personnel. 22 personnes travaillent alors pour SOREDIC dans ses locaux du boulevard de Chézy, à Rennes.
En juillet, la SARL SOREDIC devient une Société Anonyme à Directoire et Conseil de Surveillance, statut qu’elle conservera jusqu’en 2005. Jean BOUGOIN est nommé Président du Directoire, Guy DUAULT prend la Présidence du Conseil de Surveillance. Le GASFO en est l’actionnaire principal.
Entre 1968 et 1970, les acquisitions se poursuivent : BRETAGNE à Rennes, FAMILIAL à Lannion – qui deviendra le CLUB – les MAINE, VARIETES et LORRAINE à Laval. En 1971, la société reprend les cinémas ATHENEE et TRIANON de Saint-Nazaire, SELECT de Quiberon (futur CLUB), PARIS de Rennes, ouvre, toujours à Rennes, LA BOITE A FILMS, puis, en 1972, le ZOOM, participant également à la reprise du CLUB (dont SOREDIC reprendra l’intégralité des parts en 1974). En 1973, s’ajoutent à ces acquisitions LE HUBLOT du Croisic (CLUB après sa rénovation) et le SELECT (rebaptisé ZOOM) de Pornichet.
En janvier 1971, 60 entreprises « indépendantes », parmi lesquelles SOREDIC, ont participé, à leur mesure, au rachat des actions de l’UGC privatisée. La société espérait tirer de cette participation à une entreprise d’ambition nationale, une amélioration de sa programmation dans les villes à concurrence et, de fait, le couloir de programmation UGC dont bénéficient désormais les salles, favorise l’expansion de la société, même si « des impératifs d’appréciation morale », selon la formule de Jean Bougoin, conduisent celle-ci à refuser certains films (LE DERNIER TANGO A PARIS, ORANGE MECANIQUE, par exemple).
La programmation des salles s’affranchit pourtant petit-à-petit des oukases de la « cote morale » qui, quelques années plus tôt, était « parole d’évangile ». On évoque la possibilité de distinguer, pour la sélection des films, les salles dites « familiales », à la programmation strictement encadrée, des autres salles, en particulier celles appartenant à la SOREDIC, à la programmation plus libre. La sortie, en 1974, d’EMMANUELLE, dans certaines d’entre elles, rend exemplairement compte de cette évolution. Signe des temps, le Groupement des Associations des Salles Familiales de l’Ouest, tout en conservant son acronyme, devient le Groupement d’Animation et de Sélection des Films de l’Ouest. Un GASFO chasse l’autre…
1974 : les entrées françaises atteignent 179,4 millions d’entrées, en recul de 35% depuis 1964. Les salles programmées par SOREDIC, quant à elles, totalisent 2,94 millions d’entrées soit une chute de 44% sur la même période. SOREDIC ne programme plus que 162 salles contre 316 dix ans auparavant. La baisse de la fréquentation a eu raison des salles les plus fragiles.
C’est dans ce contexte que Philippe PAUMELLE prend la Présidence du Directoire de la SOREDIC en janvier 1975, Jean BOUGOIN partant en retraite, tandis que la société ouvre les quatre salles de l’ARIEL de Rennes (futur COLOMBIER).
Si la société acquiert encore, début 1975, le RICHEMONT de Sarzeau, il apparaît bien vite à la nouvelle direction qu’il convient de céder les salles balnéaires (elles le seront toutes dans les mois et années suivants) et de concentrer les efforts de la société sur la rénovation de l’existant et la construction de salles dans les villes de l’ouest dont elle est absente.
En 1976, le CLUB de Rennes est transformé en un complexe de deux salles. SOREDIC règne alors sur la ville, ne comptant qu’un seul concurrent, le ZEN, ROYAL et DAUPHIN ayant fermé pour des travaux qui donneront naissance aux huit salles du complexe Gaumont qui ouvriront en octobre 1978. 880000 entrées sont ainsi réalisées en 1977 par les salles rennaises de la SOREDIC (57% des entrées totalisées dans les salles détenues par la société).
L’heure, sur l’ensemble de la France, est à la construction de « complexes » cinématographiques. Les vastes salles uniques sont divisées pour donner naissance à des multisalles de trois, quatre, cinq écrans, voire davantage.
En 1978, les quatre salles du CLUB de Saint-Nazaire naissent de la transformation de l’ATHENEE. En 1979, la GARENNE de Vannes devient un complexe de trois salles, tout comme le BRETAGNE de Quimper. En 1980, c’est au tour du MAINE de Laval (4 salles). Les unes après les autres, les salles uniques exploitées par la société vont cesser leur activité.
En mars 1979, Yves Chevillotte, président du GASFO depuis 1977 est élu Président du Conseil de Surveillance. Le conseil lui-même est profondément renouvelé et passe de sept à douze membres.
En 1981, ce sont les cinq salles du REX qui ouvrent à Lorient, en association avec un exploitant local. Le COLOMBIER de Rennes, lui, passe de quatre à six salles. Quelques mois plus tard, le CLUB rennais est cédé et devient l’ARVOR.
Fin 1982, sept salles sont créées à Brest sous l’enseigne du CLUB.
En cette année qui voit les entrées françaises dépasser les 200 millions d’entrées pour la première fois depuis 1968, l’entente totalise 5,76 millions d’entrées (186 écrans), dont 2,2 millions dans les salles appartenant à la SOREDIC. C’est à cette époque que SOREDIC reprend sa totale autonomie de programmation. Rien ne lie plus la société avec tel ou tel groupement national.
6,12 millions de spectateurs franchissent le seuil d’un cinéma de l’entente l’année suivante, un chiffre qu’il faudra des années pour atteindre de nouveau, puis dépasser.
En 1984, ce sont les CLUB de Cherbourg et de Saint-Brieuc (six salles chacun) qui ouvrent. La société reprend également les deux salles de l’ARIEL à Nantes.
1985 : la société obtient la concession des deux salles du CHAPEAU ROUGE de Quimper, dont l’essentiel de la programmation sera consacrée aux films « Art et Essai ». En 1986, SOREDIC rachète le CONCORDE de La Roche-sur-Yon, un complexe de quatre salles. Le BRETAGNE de Quimper gagne deux salles et en compte désormais cinq, à Rennes, une septième salle est ajoutée au COLOMBIER.
Fin 1989, l’ARIEL de Nantes laisse la place à une grande surface de vente de disques et vidéo à l’enseigne TACOMA. Cette tentative de diversification de l’activité tournera court et le magasin fermera quelques années plus tard, à l’automne 1997.
La fin des années 80 et le début des années 90 sont difficiles. La fréquentation qui semblait s’être stabilisée s’effondre brusquement en 1987 à 137 millions. Cinq ans plus tard les salles françaises touchent le fond : 116 millions en 1992 (- 47% depuis 1982). Les salles programmées par la société totalisent, quant à elles, 3,22 millions d’entrées dont 1,86 millions dans les salles « en propre ».
En 1991, SOREDIC acquiert le CENTRAL de Cherbourg, complexe concurrent de cinq salles en liquidation judiciaire, et le rebaptise ODEON. Elle quitte ses locaux historiques du boulevard de Chézy pour Cesson-Sévigné.
Entre 1992 et 1994 la société engage d’importants travaux de rénovation dans la plupart de ses complexes. A Vannes, deux salles sont ajoutées à la GARENNE.
En 1995, la ville de Laval confie les trois salles du THEATRE de Laval à la SOREDIC qui rachète également les six salles « Art et Essai » du KATORZA de Nantes.
Sur le plan national, l’ouverture des premiers multiplexes démontre la validité de ce nouveau modèle d’exploitation. SOREDIC étudie l’ensemble des possibilités qui s’offre à elle sur les villes de l’ouest. L’implantation, envisagée, d’un premier multiplexe à Saint-Herblain n’est pas conduite à son terme, Pathé développant un projet concurrent sur la même zone commerciale. La reprise, par UGC, du projet SOREDIC, aboutira à la création de deux multiplexes et cette situation, jugée « aberrante », à l’obligation de soumettre les dossiers à l’accord de la Commission Départementale d’Etablissement Commercial concernée.
1996 : SOREDIC n’est plus en charge de l’exploitation du CHAPEAU ROUGE de Quimper. En 1997, elle prend en gérance le CINE MARINE de Bénodet, qu’elle exploitera jusqu’en 2001.
Les projets de multiplexes se multiplient. Le premier à voir le jour sera, en septembre 1999, le CINEVILLE de Lorient (11 salles en centre-ville). Les cinq salles du REX ferment. Le multiplexe doit malheureusement faire face à la concurrence du CINESTARS de Lanester, 11 salles en périphérie de Lorient qui ont ouvert en février. Le CINESTARS (association entre l’exploitant du ROYAL de Lorient et UGC. Il sera revendu en 2005 au groupe CGR) comptant moins de 1500 fauteuils n’a pas eu obligation de se soumettre à l’avis de la CDEC et ainsi pu prendre de vitesse le CINEVILLE.
En novembre 2000 ouvrent les 9 salles du CINEVILLE de Saint-Nazaire (le CLUB fermera quelques mois plus tard), puis en mars 2001, le CINEVILLE de La Roche-sur-Yon, 9 salles (le CONCORDE poursuit son activité avec une programmation « Art et Essai ». Il sera repris par la ville quelques années plus tard).
En mars 2002, c’est au tour du CINEVILLE de Laval d’ouvrir les portes de ses 9 salles. MAINE et THEATRE ferment.
En avril 2003, SOREDIC crée en association avec EUROPALACES la société CINEVILLE-NORD qui reprend l’activité des 12 salles du GAUMONT d’Hénin-Beaumont. La société en assure la gestion et la programmation.
L’ouverture des 12 salles du CGR de Cherbourg en octobre 2003, conduit à la cession des immeubles du CLUB et de l’ODEON dans les mois qui suivent.
Septembre 2004 : ouverture du CINELAND de Trégueux (périphérie de Saint-Brieuc), 9 salles, qu’exploite la société CINECRANS. Après avoir fait apport du fonds de commerce du CLUB de Saint-Brieuc, SOREDIC détient 40% de CINECRANS. Le CLUB poursuit son activité, orientant sa programmation vers l’ « Art et Essai ».
En 2004, on dénombre 7,43 millions d’entrées dans les salles programmées par la SOREDIC. Les salles « en propre », Hénin-Beaumont compris, totalisent 3,5 millions d’entrées.
2005 : Le CLUB de Brest ferme après ouverture du MULTIPLEXE LIBERTE (15 salles).
Le projet de réorganisation de la société auquel SOREDIC travaillait depuis plusieurs mois se concrétise. Il conduit à la création de deux filiales : CINEVILLE, propriétaire des salles, responsable de leur exploitation et des projets d’implantation, CINEDIFFUSION, chargée de l’activité de programmation, d’animation, de grossiste en confiserie, SOREDIC devenant une société holding chargée d’assurer les orientations stratégiques des deux filiales et leur administration. L’assemblée générale de SOREDIC opte pour le statut de SA « classique », avec Conseil d’Administration. Philippe Paumelle, ancien Président du Directoire de la société, est nommé PDG. Il assume ces fonctions bénévolement après avoir fait valoir ses droits à la retraite. Deux Directeurs Généraux Délégués lui sont adjoints : Yves Sutter, directeur de l’exploitation depuis 2003, qui prend également la Direction Générale de CINEVILLE, et Jean-Michel Derenne, directeur de la programmation depuis 1986, qui prend celle de CINEDIFFUSION.
CINEVILLE a, depuis cette date, ouvert les CINEVILLE de Vannes (7 salles) en novembre 2005 – la Garenne assurant la programmation des films « Art et Essai » sur l’agglomération -, de Saint-Sébastien-sur-Loire, 9 salles, en février 2007, de Quimper, 10 salles, en décembre 2012 (le BRETAGNE fermant ses portes). CINEVILLE a en outre participé, à hauteur de 37,5%, à l’ouverture du CELTIC de Concarneau (5 salles), en juillet 2008. CINEVILLE a repris l'ensemble des parts en 2013.